Le fait de porter plainte avec enregistrement audio est-il recevable en France ? Si en droit civil il est parfaitement admis que ce type de preuve n’est pas recevable dès lors que la personne enregistrée ne le sait pas, que peut-on en dire en matière de droit pénal ? Rappelons-le, le fait de déposer plainte déclenche la procédure pénale. À ce titre, c’est le code pénal qui s’applique et non le code civil. Ainsi, pour savoir si un enregistrement audio est recevable lors d’une plainte, il faut analyser cela par rapport aux dispositions du code pénal. Nous verrons ainsi dans un premier temps le principe de liberté de la preuve en droit pénal. Ensuite, nous verrons concrètement ce qu’en pensent nos magistrats.
Plainte, enregistrement audio et liberté de la preuve
🔎 Tout d’abord, commençons par lire l’article 427 du code de procédure pénale.
Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction.
Article 427 du code de procédure pénale
➡️ On parle ici du principe de liberté de la preuve. Concrètement, en matière pénale, le principe est que tous les modes de preuves sont recevables. Ainsi, lors du dépôt de plainte, la victime peut apporter les preuves qu’elle a obtenues par elle-même.
⚠️ Contrairement à la matière civile où les preuves doivent respecter un procédé loyal, ce n’est pas le cas en droit pénal. Toutefois, il faut indiquer qu’en matière pénale, la preuve délivrée par un magistrat ou un policier doit être loyale. Ainsi, l’enregistrement audio fait à l’insu de la personne enregistrée, par une autorité, n’est pas recevable au pénal.
Cependant, une personne privée qui porte plainte, peut-elle fournir un enregistrement audio ? Par exemple, une victime de harcèlement téléphonique, peut-elle enregistrer l’audio et le présenter aux policiers lors de son dépôt de plainte ?
↪️ Nous le verrons plus en détail dans notre second titre. Toutefois, on peut d’ores et déjà affirmer que porter plainte avec un enregistrement audio est bien possible. L’enregistrement sera toutefois soumis au principe du contradictoire. Rappelons que ce principe prévoit que toutes les pièces versées au débat par les parties doivent faire l’objet d’une discussion contradictoire. Ainsi, chaque partie doit pouvoir discuter de l’enregistrement audio que la victime a apporté lors de son dépôt de plainte.
Dans le cas où l’enregistrement audio n’a pas été versé au débat, le principe du contradictoire n’est pas respecté. La conséquence serait donc que cet enregistrement audio ne serait pas pris en compte par les juges, dans le cas où il y aurait une audience.
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Porter plainte avec enregistrement audio : recevabilité confirmée
Dans ce titre, il est question de voir, concrètement, ce que disent nos juges. Ici, on va parler de jurisprudence. Pour rappel, la jurisprudence représente l’ensemble des décisions de justice qui ont été rendues dans notre pays. Concrètement, l’application de la loi, dans le cadre d’une affaire pénale, par nos magistrats.
D’abord, les juges ont pu affirmer qu’il n’y a pas de loi qui autorise le juge à rejeter les preuves présentées par les parties uniquement parce qu’elles ont été obtenues illégalement ou de manière déloyale. Cette position du juge pénal est affirmée au nom de la liberté de la preuve en matière pénale. C’est-à-dire, l’article 427 du code de procédure pénale.
En partant de cette affirmation les juges ont pu confirmer que l’enregistrement audio est recevable dans le cadre d’un dépôt de plainte. La seule limite est donc celle que l’on indiquait au paragraphe précédent : le principe du contradictoire.
Par exemple, l’arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012 (n°11-85.464 – Affaire Bettencourt) est une application concrète de ce que l’on vient de dire.
↪️ La Court a donc pu juger que les enregistrements audio obtenus à l’insu d’une personne peuvent être utilisés comme preuve pour porter plainte contre cette personne pour des infractions pénales dont elle se serait rendue coupable, même si cela enfreint les droits au respect de la vie privée ou le secret professionnel. Bien entendu, les enregistrements audio étaient versés au débat. De plus, c’est une personne privée qui avait produit cet enregistrement.
ℹ️ En réalité, ce n’est pas la première fois que les juges se positionnent ainsi. En effet, les juges ont déjà pris position en ce sens, notamment en 1993, 1994 ou même en 2010. Il s’agit donc d’une affirmation courante et bien ancrée dans nos tribunaux.
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Pour résumer
- Toute personne peut porter plainte en produisant en enregistrement audio
- Cet enregistrement doit faire l’objet d’un débat contradictoire
- Le juge doit prendre en compte l’enregistrement pour rendre sa décision